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Écrit par Aubin

9 mai 2022

Produits locaux

Les Français reprennent goût aux produits locaux

image Les Français reprennent goût aux produits locaux

Désir de manger sainement, défense des savoir-faire et du revenu des producteurs… Bio ou non, l’achat en circuit court est à la fois hédoniste et engagé.

Mercredi 28 octobre, 20 heures : le président Emmanuel Macron annonce la nécessité d’un deuxième confinement. Dans la même soirée, le site Pourdebon, spécialiste de produits locaux issus de 400 producteurs, enregistre un pic de connexion suivi d’un boom des commandes de 100 %. En tête de la liste des courses : de la farine, des pommes de terre et des colis de viande de 5 kg.

Qui sont ces Français en quête de terroirs ? Pour Karine Viry, cofondatrice du site concurrent Bonjour le Bon, « il y a un an, c’était surtout des seniors de plus de 60 ans et 60 % de femmes. Au fil du temps, la clientèle s’est rajeunie avec des clients âgés de 45 ans. Beaucoup habitent dans des zones périurbaines où les épiceries fines et les traiteurs sont moins bien achalandés que dans les grandes villes comme Paris et Lyon ». Covid ou pas, avec un panier moyen de 87 € et des commandes parfois hebdomadaires, la plate-forme va bien.

Quête de réconfort, désir de cuisiner soi-même des produits sains, volonté de défendre les savoir-faire et les agriculteurs, patriotisme économique… Les motivations sont multiples et complémentaires. Elles transcendent même la recherche de certifications (AB, Label Rouge…) et d’AOP. Comme Bernard, retraité de 78 ans en Bourgogne, qui achète toute sa consommation hebdomadaire de fruits, de légumes et de fromages sur le marché de son village, le dimanche matin : « Je discute beaucoup avec les producteurs du coin… Mon préféré assure cultiver ses légumes ”sans traitage”. Un label très personnel qui n’empêche pas la confiance ! »

Faire un petit tour chez un artisan ou le fermier n’est pas une nouveauté. Mais depuis une vingtaine d’années, le goût pour le local a pris de nouvelles dimensions. Et peu importe que cette notion soit assez floue. « On peut considérer le made in France au sens large même si la meilleure échelle semble être celle de la région, administrative ou historique », précise Sylvain Zaffaroni, cofondateur de l’agence Happy­feed. Et d’ajouter le concept d’ultralocal, limité à un périmètre de 5 km.

Selon l’étude Food 360 de Kantar 2020, menée online en partenariat avec le Sial Paris, 64 % des Français assurent privilégier les produits locaux lors de leurs courses. Cette recherche de proximité suppose de choisir des fruits et légumes de saison. Et de s’approvisionner auprès de différents points de vente. En témoigne le sondage Harris Interactive 2020 pour l’Ania (Association nationale des industries alimentaires) : un quart des consommateurs et 33 % des moins de 35 ans ont acheté au moins un produit via une Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne), un circuit de type La Ruche qui dit oui ou un site d’e-commerce de produits fermiers. Un score en hausse de 1 point par rapport à l’année précédente. De plus, 54 % des Français restent fidèles aux marchés (+ 3 points versus 2019). Bien sûr, on est loin de la fréquentation en hypers et supermarchés (91 %), mais assez proche de celle des magasins bio (34 %). Ces deux canaux proposent d’ailleurs des produits locaux et de saison.

Le développement du digital crée un nouveau lien direct entre agriculteurs et consommateurs, également pour s’informer des modes de production. En témoignent les centaines de followers des « agritwittos », ces agriculteurs qui montrent leur quotidien sur Twitter, Facebook ou Instagram. De plus, les commandes et le règlement en ligne sont simplifiés. Pour autant, le numérique n’est qu’un outil qui concrétise des intentions d’achat profondes, sincères et pérennes. À commencer par la volonté de bien se nourrir, qui suppose de connaître le processus de fabrication. D’après le baromètre Shopper in-store Media d’Ipsos de juin, 82 % des consommateurs déclarent faire attention à manger sainement. Ce score gagne 7 points par rapport à 2019. Le dialogue avec le producteur permet de vérifier l’usage de pesticides, l’ajout de conservateurs ou de colorant dans les recettes.

Pour ne pas être marginalisées, des marques comme Vitabio, Alpina Savoie, Vrai, etc. communiquent aussi sur l’ancrage régional et les pratiques de leurs fournisseurs. Un exercice délicat pour Stéphane Priou, directeur marketing de Vitagermine (Vitabio) : « Avec le premier enfant, beaucoup de parents passent au bio et au local. Nous sommes un intermédiaire entre le producteur et eux, mais nous garantissons la traçabilité et la qualité des matières premières. Nous avons consolidé des filières agricoles, dont la dernière concerne la clémentine de Corse. À nous d’expliquer la pertinence de notre rôle, même si c’est complexe. » En élevage, la tentation est grande de s’assurer in situ du bien-être animal : les types d’alimentation et les conditions de vie, en plein air ou non.

Et c’est là que s’ajoute une deuxième motivation : la défense du revenu agricole. 87 % des sondés sont préoccupés par la situation des paysans. Ils les considèrent comme investis dans la transition écologique et le bio, mais pas assez aidés (source : Harris Interactive-Ania). À travers les agriculteurs, les consommateurs désirent aussi préserver un art de vivre. 21 % des sondés assurent que la promotion des savoir-faire locaux joue un rôle important dans les décisions d’achats alimentaires. Certes, les indications géographiques (AOP, AOC…) garantissent l’authenticité. Mais nombre de recettes locales, de fruits et légumes et de pratiques échappent à l’Institut national de l’origine et de la qualité (Inao).

Ce regain d’intérêt pour le local implique parfois les enfants. Adepte du bio et factrice parisienne, Cécile, mère de deux petits de 4 et 6 ans, profite de chaque séjour à la campagne pour leur expliquer le principe des fruits et légumes de saison : « C’est un début de prise de conscience qui va de pair avec l’apprentissage du goût. Ils sentent bien la différence entre les tomates de potager et celles cultivées sous serre. »

Plus sophistiquée, l’idée d’un commerce équitable tricolore fait son chemin dans les esprits. La couverture médiatique, les engagements des commerçants, la marque C’est qui le patron ?! ou le label Agri-Éthique ont vulgarisé le concept de répartition des marges. Ainsi 82 % des Français assurent que la rémunération des agriculteurs joue un rôle dans la décision d’achat. « Bonjour le Bon est transparent sur la construction du prix : 50 % revient au producteur, 20 % au transport et 30 % à la gestion de la plate-forme et aux salaires », précise Karine Viry.

Pour autant, manger local crée des contraintes : du temps pour repérer les producteurs, la nécessité de se déplacer, de cuisiner, de respecter la saisonnalité des produits… Il faut aussi payer plus cher son alimentation. L’achat plaisir et citoyen résistera-t-il à la crise sanitaire ? « Cette dépense n’a pas d’importance, car c’est affectif », répond Anne, juriste, mère de famille et fan du jus de pomme bio signé de la cidrerie normande Cinq Autels.

En réalité, tout est bousculé. Selon le 9e baromètre du pouvoir d’achat CSA Research pour Cofidis réalisé d’avril à mai, 62 % des Français estiment que leur situation financière va être plus largement touchée dans les prochains mois. Personne ne sait si le consommateur, malgré ses bonnes intentions, acceptera longtemps le surcoût du local. 

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